vendredi 9 juillet 2010

critères de la "communauté"

A l'heure où les community managers prennent le pouvoir, on peut se demander si un ensemble de clients (ou l'ensemble des clients, voire des parties prenantes) d'une entreprise peut réellement être conçu et piloté comme une communauté. La réponse dépend bien sûr de la façon dont on définit le mot "communauté".

Même s'il n'est pas possible de fixer l'essence d'une communauté (parce que le terme ne désigne pas, pour le dire techniquement, une "espèce naturelle"), on peut s'entendre sur un certain nombres de critères:
- la cohésion entre les membres (qui n'implique pas forcément la coopération),
- la spontanéité,
- la promiscuité informationnelle,
- la conscience de former une communauté (qui implique la maîtrise, au moins relative, du concept de communauté - ce qui exclut les animaux non humains les moins sociaux).

Le choix de ces critères mérite quelques commentaires. Alors que la cohésion me parait une condition évidente pour qu'un ensemble quelconque d'individus (ou d'autres choses) puisse être considéré comme une communauté, ce n'est pas le cas des trois autres.

La spontanéité est importante en ceci qu'une communauté ne se forme pas en vue de satisfaire l'intérêt (maximiser l'utilité) particulier ou collectif de ses membres. Il y a quelque chose de fondamentalement non stratégique, de quasi-organique dans une communauté. Mais une communauté peut se former, par exemple, à partir de goûts communs, d'idées et d'expériences partagées: c'est comme ça que se forment les communautés d'utilisateurs et les communautés religieuses ou culturelles qui effraient tant nos chers Républicains.

Ce point est important d'un point de vue opérationnel : on n'anime pas une communauté comme s'il s'agissait d'un regroupement en vue de l'avantage mutuel ou collectif.

La promiscuité informationnelle est une caractéristique essentielle pour saisir la spécificité de la distribution de l'information au sein d'une communauté. Contrairement à une organisation hiérarchique, où l'information est distribuée de façon asymétrique, en fonction de la distribution du pouvoir au sein de celle-ci, l'information est distribuée de façon relativement égalitaire dans une communauté, qui est comme un village où "tout se sait". (Dans les communautés villageoises, il y a beaucoup moins de "vie privée".)

La conscience de former une communauté est le critère qui me parait le moins évident, même s'il est souvent mentionné par les sociologues qui étudient les phénomènes communautaires. Il semble contredire, ou affaiblir, en partie le critère de la spontanéité, qui n'est pas négotiable, me semble-t-il. La spontanéité, en effet, peut très s'accommoder d'une absence de conscience réflexive. Néanmoins, la conscience est une condition suffisante : si les membres d'un groupe quelconque ont conscience de former une communauté, alors ils forment effectivement une communauté.

Encore une fois, cet exercice de définition n'est pas philosophique : il s'agit bien de trouver des principes efficaces pour identifier, construire, piloter et animer les communautés.

En supposant que l'exercice ait porté ses fruits, on peut maintenant essayer de répondre à la question de départ : un ensemble de clients, ou tous les clients, voire toutes les parties prenantes, d'une entreprise peuvent-ils former une communauté? La réponse est positive, me semble-t-il, dans la mesure où il est possible de réunir artificiellement les conditions pour qu'un ensemble d'individus (ou d'autres choses) forme une communauté. Cependant, cette construction a un coût. Ici comme ailleurs, la possibilité n'équivaut aucunement à la faisabilité...

2 commentaires:

  1. Intéressant et divertissant.
    Donc, Si j'ai bien compris, pour parler de communauté il faut :
    - soit la conscience de former une communauté
    - soit 3 conditions additionnées les unes autres : cohésion, spontanéité,promiscuité informationnelle
    - soit les 2 à la fois.
    Mais quid du cas où il y la conscience de former un communauté sans la cohésion ? sans la cohésion et la promiscuité informationnelle ?
    Après tout, n'y aurait-il pas parmi ces trois là aussi quelque condition nécessaire pour pouvoir raisonnablement parler de communauté.
    Salutations
    Maarten

    RépondreSupprimer
  2. Je pense que les trois premières conditions mentionnées sont nécessaires (ça veut dire que s'il en manque une, on a pas affaire à une communauté dans le sens le plus fort), mais qu'aucune n'est suffisante à elle seule. En revanche, elles sont conjointement suffisantes pour qu'on puisse parler de communauté. Bien sûr, concrètement, il ne peut s'agir que de plus et de moins. Personne ne peut tracer une frontière nette entre ce qui est communauté et ce qui ne l'est pas...
    De mon point de vue, la conscience de former une communauté est une condition un peu différente des autres : elle n'est pas nécessaire dans les cas ordinaires, mais elle est suffisante : si elle est présente, il n'y a pas besoin des trois autres. En effet, qui pourrait décider qu'une communauté auto-proclamée n'en est pas une, même si les autres conditions ne sont pas remplies?
    Pour clarifier les choses, on pourrait d'ailleurs distinguer deux genres de communauté : les communautés objectives (qui remplissent les conditions 1, 2 et 3) et les communautés subjectives, qui remplissent la condition 4, sachant que, dans la réalité, la plupart des communautés sont les deux à la fois.

    RépondreSupprimer