jeudi 9 septembre 2010

court-termisme et stratégie

On entend souvent dire que le problème actuel des entreprises est qu'elles ne se préoccupent pas assez du long terme, pour des raisons soit structurelles (l'intérêt exclusif des actionnaires), soit conjoncturelles (la crise). J'ai moi-même parfois relayé cette affirmation, avec l'idée que l'accomplissement d'une stratégie ne se réalise que sur le long terme et que les entreprises doivent donc définir et chercher à atteindre des objectifs de long terme.

Pourtant, je pense qu'il s'agit d'une erreur. Le court-termisme des entreprises, non seulement n'est pas irrationnel, mais constitue même l'attitude la plus naturelle et la plus intelligente qui soit. En particulier parce que cette attitude leur permet, si elles discutent avec leurs parties prenantes (pas seulement leurs actionnaires), de traiter aussi les problèmes de long terme, qui ont tous des ramifications dans le présent.

A partir de l'importance supposée du long terme, on pourrait d'ailleurs formuler une objection assez sérieuse à l'encontre de la vision "spontanéiste" de la stratégie que je défends.
Il y aurait deux prémisses:
(1) La spontanéité est liée au court terme.
(2) Une stratégie a besoin de temps pour se déployer.
La conclusion est facile à tirer : l'art de la spontanéité ne peut être un art de la stratégie.

Je n'ai rien à redire à la prémisse (1). Oui, le temps de la spontanéité est court, limité au présent et à son horizon. Oui, un comportement spontané est aveugle aux conséquences indirectes et lointaines. La spontanéité est liée, intrinsèquement liée même, au court terme.

Mais, contre (2) : l'environnement économique est tellement instable que les stratégies n'ont (plus) jamais le temps de se déployer en entier - elles sont rapidement redéfinies, elles changent de sens. De plus, dans les faits, ce sont les premiers pas qui comptent. Ce sont eux qui retentissent, dans la "communauté" des parties prenantes. Celle-ci prendra soin de leur donner suite, si bien sûr elle leur donne un sens positif (ce qui doit être l'objectif principal des dirigeants). Donc le court-termisme est la règle, et c'est une règle sage, finalement, puisqu'elle reflète le rôle, toujours plus grand, des parties prenantes.

C'est avec un horizon de court-terme qu'il faut concevoir les stratégies désormais. Savoir réagir de façon créative dans l'instant, tout en maintenant la cohérence de ses actions (son identité dans le temps et l'unité de son éco-système), et trouver ainsi les meilleures stratégies du présent. Voilà, en résumé, tout l'art de la spontanéité.

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