Donc s'il avait, dans le concept de communauté lui-même, des restrictions sur la nature de ce qui peut former une communauté, l'idée que les parties prenantes forment une communauté serait peu crédible. Mais il me semble que rien n'interdit de concevoir une communauté composée d'organisations plutôt que d'individus, ou d'organisations et d'individus mélangés, si les membres remplissent de facto les conditions requises (cf mon billet sur les critères de la communauté et tous les articles plus "sérieux" qui existent sur le sujet.)
De plus, ce qui caractérise fondamentalement une communauté par rapport à une coalition, c'est la spontanéité (l'absence de calcul et d'objectif stratégique). Or, de ce point de vue, l'ensemble des parties prenantes ressemble beaucoup plus à une communauté qu'à une coalition. Chaque partie prenante poursuit en effet son intérêt propre sans (trop) se préoccuper des autres et les parties prenantes ne sont "soudées" entre elles que par la force de liens hétérogènes et disparates : commerciaux, juridiques, idéologiques, ... En résumé : par ce fait quasi-accidentel qu'elles sont les parties prenantes de la même entreprise. (A comparer avec : les admirateurs du même artiste, les fans de la même marque, les membres du même club d'échecs, etc.)
Tout ceci suggère qu'on peut concevoir utilement les parties prenantes comme une communauté. C'est d'ailleurs ce que pensent, pour des raisons plus théoriques, certains chercheurs en éthique des affaires (par exemple Buchholz & Rosenthal, 2005). A partir de là se pose une nouvelle question : est-ce qu'on peut piloter (niveau stratégique) et animer (niveau opérationnel) une communauté de parties prenantes comme une communauté d'individus? Rien n'interdit de le penser, me semble-t-il. Pour piloter les échanges entre l'entreprise et ses parties prenantes, il suffirait donc d'adapter les outils de pilotage consacrés aux communautés. Enfin, bien sûr, c'est ce qu'il suffirait faire si de tels outils existaient...